Garantir le revenu de base, c’est donner à l’individu une nouvelle liberté pour développer ses multiples talents. C’est lui donner le pouvoir et l’initiative et mettre en place un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle.

Actuellement, le chômeur est jugé parce qu’il ne travaille pas ; celui qui a du travail est de plus en plus considéré comme un privilégié et le pensionné est regardé, soit comme quelqu’un qui a été rejeté trop tôt par la société, soit comme celui qui est enfin libre. Dans tous les cas de figure, le dénominateur commun est la liberté ou son absence.

Manque de reconnaissance et de liberté

Le choix est l’enchanteur de la créativité, mais cette dernière est conditionnée par un revenu qui amène certaines personnes à des compromissions pour sauvegarder le lendemain. On peut alors se demander ce qui subsiste de la liberté et de la faculté de pouvoir se réaliser dans son travail.

Parce qu’il doit garantir sa survie et son niveau de vie, l’individu est contraint à s’adapter sans pour autant trouver les moyens de se projeter avec plaisir dans cette activité qu’il doit subir.

Or, l’homme est heureux lorsqu’il croit qu’il peut entreprendre et par là se sentir reconnu et utile pour produire, pour gérer la cohérence socio-économique par une action politique, pour échanger et promouvoir le culturel, pour développer de multiples activités familiales et de loisirs.

Ainsi, l’individu se réalise à travers une gamme d’occupations. L’être humain n’est pas en manque d’activités mais bien en manque de reconnaissance, de liberté et de protection financière.

L’humanisme au cœur de l’État de droit

Si la recherche du revenu focalise toute l’activité, si la préparation à un travail salarié est l’unique objectif de la formation, on doit s’attendre à une baisse vertigineuse du capital social au profit d’une fuite en avant faite d’angoisse et de violence.

Et si en plus, la société ne construit que des systèmes peu cohérents qui favorisent la fraude, l’État de droit est en danger et l’avenir de nos enfants terriblement hypothéqué.

Créer un État de droit qui autorise l’accès à toute la gamme des activités humaines, c’est donner cette égalité des chances qu’il ne faut pas confondre avec un égalitarisme bêtement mathématique.

Etablir à la vitrine de nos sociétés des ouvertures vers le développement des talents, c’est sauvegarder leurs valeurs de rareté et d’humanisme face à la robotisation des activités et des services. Il faudra toujours développer des qualités et des talents que la machine ne pourra jamais acquérir…

Les conséquences du choix

Aussi, garantir le revenu de base, c’est mettre l’individu sous une protection minimale qui lui permet de s’épanouir grâce à une allocation de temps. Alors, il devient possible pour lui de se développer d’une manière paisible dans le contexte d’un choix d’activités et de formations.

En conséquence, augmenter le choix et ainsi favoriser l’épanouissement ne signifie pas punir ceux qui choisissent de travailler beaucoup et produisent de la richesse, ni à l’inverse culpabiliser ceux qui choisissent de travailler d’une manière non conventionnelle.

Il s’agit :

  • de gérer lucidement une dissociation de fait entre le travail et le revenu par l’octroi d’une allocation universelle ;
  • de reconnaître la valeur du temps en garantissant un revenu d’existence car tout choix est finalement un choix d’allocation de temps ;
  • d’avoir une politique économique délibérément orientée vers la croissance du revenu plutôt que la croissance du travail sans dignité humaine, car avec un revenu limité le choix n’est pas disponible ;
  • de dégager le travail et le loisir du sentiment de culpabilité qui diminue toujours le choix – il vaut mieux réserver ce sentiment aux grandes catégories morales que sont le droit et la justice ;
  • de refuser de mettre des conditions à l’octroi du revenu de base afin de donner la liberté de choix ;
  • d’avoir une politique d’éducation et d’insertion résolument tournée vers l’augmentation des talents multidimentionnels.

Voilà énumérées les conditions nécessaires, croyons-nous, à la conquête d’une liberté.

Ainsi l’activité humaine sera-t-elle déployée sur un large spectre autorisant le choix et l’enchantement de la vie, antidotes puissants contre l’ennui, la violence et la morosité.

L’homme espère quand il croit qu’il peut. Lui donner du pouvoir et de l’initiative, c’est mettre en place, par contagion, un nouveau mode de vie pour le 21ème siècle et sauvegarder un État de droit fort, promoteur d’humanisme et de capital social.


Crédit photo : AttributionNoncommercial Jessica Tardif

Ce texte est inspiré du livre : « De la défaite du travail à la conquête du choix » de B. Jarosson et M. Zarka, paru aux éditions Dunod.