Près d’un an après le dépôt officiel de l’initiative populaire pour le revenu de base, le gouvernement Suisse invite les citoyens suisses à voter en défaveur de l’idée lors du référendum national.

En Suisse, l’initiative populaire suisse sur le revenu de base continue son bout de chemin institutionnel. Après avoir officiellement déposé les 150.000 signatures récoltées en octobre dernier et obtenu confirmation que 126.000 d’entre elles étaient valides, c’est au tour du Conseil Fédéral de se prononcer sur ce le sujet, en amont du référendum qui aura lieu (à priori) en 2016.

Rendu mercredi 27 aout – après une semaine de retard – l’opinion de l’exécutif helvétique est assez sévère :

« le Conseil fédéral estime que l’introduction d’un revenu de base inconditionnel aurait des conséquences négatives radicales, en particulier sur l’ordre économique, le système de sécurité sociale et la cohésion de la société en Suisse »

S’il loue les intentions des porteurs de l’initiative d’assurer la dignité à tous, l’opinion du Conseil Fédéral, basé sur les contributions de différents ministères, reprend tous les arguments classiques contre le revenu de base :

  1. 1. le revenu de base n’est pas finançable (ou coûterait trop cher)
  2. 2. le revenu de base découragerait le travail ; et enfin
  3. 3. le revenu de base est immoral puisqu’il serait versé à des personnes qui n’en ont pas besoin.

En conséquence, le conseil fédéral « propose donc aux Chambres fédérales, par le présent message, de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative populaire « Pour un revenu de base inconditionnel » sans lui opposer de contre-projet direct ou indirect. »

« Il n’y a rien d’extraordinaire. Nous nous y attentions » a immédiatement réagit Enno Schmidt, l’un des initiants et fondateur de Generation Grundeinkommen.

Le gouvernement suisse n’a pas compris le revenu de base”

Longue de 24 pages (pdf), la position du gouvernement suisse explique en détail les raisons de ce rejet, mais tombe néanmoins dans plusieurs écueils. Le premier est de s’appuyer sur l’hypothèse d’un revenu de base 2500 francs et les travaux de Daniel Straub et Christian Müller (deux des initiants), alors même que le montant n’est pas précisé dans l’initiative, qui se veut le plus neutre possible. On voit ici à la difficulté pour le gouvernement de juger une idée aussi générique et protéiforme que le revenu de base.

Le second écueil est de considérer comme acquis et automatique l’effet désincitatif au travail lié à l’octroi d’un revenu de base, et des augmentations d’impôts jugées incontournable selon le gouvernement. Pourtant, toutes les expériences montrent empiriquement que la garantie d’un revenu ne provoque pas d’abandon de travail, et donc que les recettes fiscales de l’État ne s’effondreraient pas par la baisse de l’activité marchande.

Enfin, le document semble ignorer que le revenu de base abolirait les effets de seuils du système actuel, ce qui rendrait le travail plus attractif dans de nombreuses situations, notamment pour les travailleurs à bas salaires, puisque le revenu de base est cumulable avec tout salaire contrairement aux allocations existantes qui se soustraient au moindre revenu d’activité.

« Le gouvernement Suisse n’a pas compris que le revenu de base est un socle, pas un filet » a commenté sur twitter Philippe Van Parijs, le fondateur du Basic Income Earth Network.

C’est la première fois depuis 1985 aux Pays-Bas qu’un gouvernement national s’exprime officiellement sur l’idée du revenu de base. Rappelons enfin que cette annonce ne remet pas en cause la tenue d’un référendum national sur le revenu de base, à l’horizon 2016.


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